Aujourd’hui, je viens vous parler de répétition et de redondance, deux principes bien connus de toutes les personnes qui œuvrent dans le champ de la formation et en e learning. Bien connus ? Ou pas ! C’est le moment d’expliciter ces notions cruciales ! Spoiler alert : la redondance n’est pas la répétition…
Pourquoi la répétition est essentielle
« La répétition est mère de pédagogie »… Je n’ai pas essayé de compter les fois où j’ai entendu cette phrase dans mon parcours de formatrice : prononcée par mes mentors, en situation, en cours, au détour d’un MOOC ou d’un livre sur la pédagogie. Creusons donc d’abord cette idée.
Force est de reconnaître l’importance de cette phrase ! Difficile de retenir une nouvelle notion d’un coup d’un seul. C’est parce qu’on s’y frotte une fois, puis une multitude de fois que l’on absorbe peu à peu les choses, que la connaissance s’incarne en nous pour devenir savoir, que le nouveau geste devient pratique familière, presqu’automatique.
Former c’est donc répéter. Présenter une première fois les choses et les redire, les reformuler, les montrer autrement, les mettre en scène dans d’autres contextes. Car il ne s’agit pas seulement de répéter à l’identique ! Formateurs, formatrices, nous ne sommes pas pour autant des perroquets !
La répétition des connaissances
Allez, je prends un exemple.
Au cours de ma formation initiale d’éducatrice spécialisée, j’ai découvert les théories de l’attachement. Tout d’abord à l’occasion des cours de psychologie. Puis au détour de lecture. J’en ai entendu parler sur mes situations de travail en stage, au détour d’analyses de situation de jeunes en réunion d’équipe ou par des discussions libres entre collègues. D’autres cours en ont sûrement fait mention.
Et ainsi de suite. C’est par l’exposition répétée à ces théories que j’en ai compris des choses. J’ai fini par en apprendre suffisamment pour pouvoir à mon tour en dire quelque chose à d’autre, me servir de ces notions pour analyser des situations.
La répétition des gestes
Un autre exemple ? Lorsque l’on apprend à conduire, qu’elles sont longues ces heures de conduite ! C’est bien par la répétition de certains gestes dans de multiples contextes que la conduite s’automatise pour nous, qu’elle devient fluide, presque réflexe.
Dans les deux cas : connaissances et gestes, c’est la répétition dans des contextes variés qui génèrent une compétence. C’est bien lorsque l’on est capable d’utiliser une connaissance ou un geste à bon escient par rapport à un contexte que l’on peut se dire compétent.
Mais la répétition n’est pas la redondance.
C’est quoi la redondance ?
C’est Mayer, le meilleur ami de toutes les personnes qui conçoivent des supports en particulier numériques pour la formation qui formalise ce principe, parmis d’autres essentiels. Si vous voulez en savoir plus sur ces règles d’or, je ne peux que conseiller ce court module d’e learning !
L’idée de la redondance c’est de présenter un même message par deux canaux. L’exemple le plus simple, parce qu’il est le plus courant est celui de la vidéo. Elle permet de présenter un message à la fois par le canal visuel et par le canal auditif.
Mais. Il y a un mais, il est subtil et essentiel. L’enjeu n’est pas de présenter le message de manière identique par ces deux canaux !
La redondance pédagogique
Précisément l’idée de la redondance est d’associer deux manières différentes de présenter le message. Deux manières qui soient complémentaires. Il ne s’agit pas de répéter le message deux fois sous deux formats.
Lorsque l’on fait cela, cette répétition, on provoque une surcharge cognitive inutile et franchement contre-productive. Par exemple si l’audio de la vidéo est repris intégralement par un texte qui s’affiche à l’écran, à l’identique, votre cerveau va griller ! Vous n’arriverez jamais à la même lecture mentale, au même rythme et avec les mêmes intonations que l’audio. Vous allez vous perdre, prêter attention à ces écarts de rythme plutôt qu’au message, à son fond. Vous allez donc passer à côté de ce qu’il faut en retenir. Et c’est foutu !
À l’inverse si l’audio est illustré par des visuels, dynamiques, cohérents avec le propos et qui vous aident à maintenir votre attention autant qu’à comprendre les subtilités du message, c’est gagné. Le message est bien présenté de deux manières différentes : un texte audio et des visuels qui l’illustrent. La redondance est alors aidante pour la mémorisation et la compréhension. C’est par exemple toute la force des vidéos en motion design.
La redondance technique
Lorsque l’on produit des modules d’e learning, il est nécessaire de correctement guider l’apprenant·e pour qu’il·elle réussisse à naviguer dans ce type de supports. Cela évite le décrochage. Cela contribue à l’utilisabilité des modules.
Soit. Mais là aussi il faut choisir. L’enjeu n’est pas de proposer plusieurs boutons permettant le même résultat. Ce type de non choix dans les pratiques de navigation du côté de la conception provoque un non choix pour les apprenant·e·s également. Cela rend flou le guidage et donc la navigation.
Pour tous ceux et celles qui créent des modules d’e learning avec Articulate Storyline, je pense que vous voyez à quoi je fais référence. Si nous créons des boutons dans l’écran, par exemple « suivant », il est nécessaire de désactiver cette possibilité sur le lecteur de Storyline. Sinon, il y a deux manières de cliquer sur « suivant » et cela peut générer une grande perplexité pour l’apprenant·e.
Où dois-je cliquer ? Les deux possibilités sont-elles équivalentes ? Dois-je faire l’une et puis revenir pour l’autre ?
Il peut y avoir deux chemins pour arriver au même endroit dans un module d’e learning. Ne me faîtes pas dire l’inverse. Mais sur un seul écran, les options doivent être différenciées. S’il y a deux boutons accessibles ils doivent clairement indiquer ce vers quoi ils conduisent et non pas générer un doute quant à leurs potentialités.
Techniquement la redondance n’est donc pas une option si elle risque d’induire une indécision pour l’apprenant·e quant à son parcours d’e learning.
Faut-il choisir entre la répétition et la redondance ?
Il n’y a pas de choix à faire entre la répétition et la redondance ! Ce sont deux principes importants pédagogiquement et la redondance l’est aussi techniquement.
La première, la répétition est à utiliser en gardant à l’esprit la nécessité de reformuler et de varier les contextes. Répéter oui, mais pas à l’identique. À bas le tic du perroquet !
La seconde, la redondance, est à utiliser comme un garde-fou : une limite entre ce qu’il est constructif de faire et ce qui ne l’est pas. Si la redondance provoque flou ou surcharge cognitive parce qu’elle s’approche du tic du perroquet, c’est que la limite est franchie !
Associer les deux, c’est ancrer suffisamment les messages clefs d’une formation pour conduire à la maîtrise d’une compétence, autant en termes de scénarisation pédagogique que de conception des différents supports.
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