Réaliser un accompagnement au design thinking, ça n’est pas la même chose que former à cette démarche !
Sur les trois dernières années, j’ai plusieurs fois animé des modules de formation qui portaient sur le design thinking et sur le management de l’innovation.
Il était temps que j’accompagne pour de bon une équipe à une démarche de design thinking !
Ce n’est pas tout à fait la même chose de former et d’accompagner. Dans cet article, je reviens sur cette expérience pour mettre en évidence les différences entre les deux postures.
Former au design thinking
Lorsque je forme au design thinking, mon intention est que les apprenant.e.s soient en capacité de reformuler les notions découvertes. Le but est qu’ils.elles soient capables d’adopter la posture de facilitateur.rice pour ensuite utiliser cette démarche auprès de leurs équipes.
Plus que de découvrir des notions, il s’agit donc de les expérimenter, de tester, se tromper, recommencer, analyser. L’enjeu est de percevoir la richesse de la démarche, de se projeter dans des cas d’usage correspondant aux réalités professionnelles de chacun.e.
Mais cela reste théorique. Les exemples travaillés sont fictifs. Cela n’implique aucune réalisation concrète même si on peut les imaginer. Potentiellement cela génère donc de la frustration : travailler sur de la fiction, sans jamais pouvoir réaliser quoi que ce soit dans le réel, cela peut agacer !
Accompagner au design thinking
A l’inverse lorsque j’ai réalisé l’accompagnement d’une équipe, la réalité était bien présente !
Le collectif était constitué de cadres de services et d’établissements médico sociaux. L’évaluation externe était passée ou à venir. Des points d’amélioration voire de non-conformité étaient nommés ou anticipés.
Il s’agissait donc pour ce collectif de designer (d’imaginer, si vous préférez) des améliorations de fonctionnement pour résoudre ces points d’insatisfaction. Le collectif avait besoin d’imaginer des procédures voire des outils complémentaires à ce qui existait déjà pour mieux accompagner leurs usager·ère·s.
Mais c’est quoi le design thinking ?
Le design thinking est une méthodologie rendue célèbre par le cabinet Ideo. Il consiste à approcher un projet d’innovation sous l’angle du besoin et de l’expérience « client ». Cela se décline en plusieurs étapes :
- une phase d’empathie pour percevoir le plus possible les utilisateur·rice·s et leurs besoins ;
- une phase de définition de la problématique à résoudre,
- une phase d’idéation ;
- une phase de mise en forme d’une solution par un premier prototype ;
- une phase de test pour obtenir un retour du « client » final, qui permet d’améliorer le produit.
Le produit ? Oui : le design thinking est une démarche d’innovation qui permet d’imaginer de nouveaux produits. Votre box internet a vraisemblablement été conçue de cette manière par exemple. C’est aussi une démarche qui permet d’imaginer des services. Je vous conseille par exemple cet excellent MOOC où vous entendrez parler de design de médiathèque, d’espace d’accueil, etc.
C’est possible d’utiliser le design thinking dans le champ médico-social ?
Au croisement des sciences cognitives, des processus de créativité et des développements technologiques qui ont permis et cherchent à mieux comprendre « l’expérience client », cette démarche place l’humain au cœur de ses processus.
Est-ce qu’il y a quelque chose qui parle plus à des acteurs et actrices du médico-social ?
C’est ce qu’ils·elles font tous les jours : placer l’humain au cœur de leurs réflexion et de leurs pratiques ! Parfois même à rebours des injonctions financières… Mais j’arrête : on n’est pas là pour parler politique !
Comment accompagner au design thinking ?
Je me suis donc focalisée sur les objectifs de ce groupe : les résultats qu’ils·elles souhaitaient atteindre pour (et parfois avec) leurs usager·ère·s.
J’ai préparé soigneusement les journées que nous allions passer ensemble. En particulier, j’ai veillé à ce que le timing de chaque étape soit suffisamment serré pour que tout tienne et suffisamment lâche pour que les échanges soient fructueux.
J’ai réfléchi à la mixité des regards et à la participation de tous et toutes. Il fallait d’ailleurs favoriser l’interconnaissance et la confiance de ces cadres qui ne pratiques pas tous les jours ensemble ni face aux mêmes réalités de terrains.
J’ai choisi des exercices dynamiques et variés pour chacune des étapes. J’ai imaginé ces journées dans le moindre détail et me suis projetée sur les livrables que j’espérais obtenir.
Pendant les journées en elles-mêmes, j’ai suivi ce que j’avais imaginé et parfois je l’ai adapté : resserrant ou relâchant les cordons du temps, adaptant les consignes. J’ai surtout procuré autant de feedbacks que possible, en rappelant les objectifs finaux, les attentes du groupe, en le connectant sans cesse à l’existant : aux constats établis.
L’enjeu était là : ne pas décrocher de la réalité, rester en phase avec les impératifs de terrain. Imaginer, oui ! Mais pas de manière débridée ! Il fallait que les choses imaginées soient faisables. Que les cadres ne perdent pas le fil de la cohérence entre les constats de départ et ce qui était produit par le groupe.
Les différences entre former et accompagner
J’en retiens donc cette différence majeure entre former à la démarche du design thinking et l’accompagner : le lien à la réalité.
Il est plus distendu dans le premier cas, moins impératif. Il est une ambition à terme. En formation, il est possible de jouer avec la réalité, de la travestir.
C’est un lien plus tendu dans le contexte de l’accompagnement : la réalité est plus présente, comme un impératif dont il faut tenir compte comme situation de départ et comme situation d’arrivée. Ici pas de tricherie possible, on ne joue pas ! L’enjeu est fort pour les acteurs et actrices de terrain qui visent des transformations de leurs pratiques.
Et les points communs ?
Dans les deux cas, former et accompagner, la question du prototype dépasse ce temps en salle : il faudra basculer sur le terrain pour fabriquer, tenter, réaliser une première fois ce qui a été imaginé et le mettre à l’épreuve de cette fameuse réalité.
Il s’agira alors de recueillir des observations et des paroles sur ce qui fonctionne et pourquoi, ce qui ne fonctionne pas et comment on peut l’améliorer… Si ce type de démarche vous intéresse et que vous souhaitez l’expérimenter, n’hésitez pas : j’adore ça !