C’est une confusion que je rencontre fréquemment lorsque j’accompagne des formateurs et des formatrices en cours de formation ou plus tard lorsque je les aide à scénariser leurs parcours de formation. Je la repère vite, dès le scénario pédagogique, dans la colonne « objectifs pédagogiques ». J’y découvre des objectifs qui n’en sont pas et j’interpelle : « ça, ce n’est pas un objectif, c’est ton intention pédagogique ». Mais quelle est la différence entre objectifs et intentions pédagogiques ? Regardons ensemble de quoi il s’agit.
Qu’est-ce qu’une intention pédagogique ?
Une intention pédagogique c’est ce que se propose de faire le·la formateur·rice pour ses apprenant·e·s. Ouh la, vite ! un exemple !
« Préciser le déroulement de la formation » est une intention pédagogique. Cruciale en début de parcours ! On perçoit vite ici qu’il ne s’agit pas de zapper cette étape. Elle va permettre au collectif en formation de bien se situer dans le parcours, d’en repérer les différentes étapes, travaux, échéances, etc. Formidable. C’est une intention qui répond à un besoin de sécurité certain des apprenant·e·s. Louable. Et nécessaire. Bien. Mais ce n’est pas un objectif pédagogique.
Autre exemple : « présenter la notion XX » est aussi une intention pédagogique. Il y a peu de risque que l’on échappe à celle-ci ! Beaucoup de nos formations se basent en effet sur le modèle que nous avons expérimenté enfant : celui de l’enseignement. Pas de compétence sans connaissances préalables. Il est donc de bon ton de transmettre ces connaissances à un moment de la formation. Et le plus souvent, cela sera fait sous forme d’une présentation, d’un exposé. Cela fonctionne. Pas tout seul, mais cela fonctionne. Mais ce n’est pas un objectif pédagogique.
Ces deux exemples déclinent en effet deux choses différentes qu’un ou une formateur·rice souhaite faire avec et pour ces apprenant·e·s. Et c’est tout.
Pourquoi des intentions ne sont pas des objectifs ?
Aucune de ces intentions ne décrit l’apprentissage qui est visé. Elles décrivent ce que va faire le·la formateur·rice. Pas le chemin qu’il est proposé de prendre aux apprenant·e·s.
Pour vous faciliter la vie, je vous propose de dissocier radicalement les deux notions : parlons d’intentions pédagogiques et d’objectifs d’apprentissage.
Qu’est-ce qu’un objectif d’apprentissage ?
C’est la formule qui permet de décrire l’apprentissage visé par la formation (toute ou partie). Là encore, nous allons avoir besoin d’un exemple ! Reprenons celui de notre notion XX. Précisons-la : je vais parler de charges salariales (oh, c’est un exemple, hein…).
Si en tant que formatrice, j’estime que c’est important que je présente ce que sont les charges salariales, c’est bien que je souhaite qu’un apprentissage soit réalisé au passage. Mon objectif est que les apprenant·e·s retiennent ce qu’elles sont, comprennent à quoi elles servent, comment elles sont calculées, peut-être même qu’ils·elles sachent les calculer eux·elles-mêmes (selon la formation dans laquelle je nous situe).
Notons que lorsque l’on formule l’objectif d’apprentissage, on parle de ce qui se passe pour les apprenant·e·s et non plus pour le·la formateur·rice.
Comment formuler un objectif d’apprentissage ?
Selon ce que je vise exactement comme apprentissage, ma présentation sera sans doute complétée par d’autres situations d’apprentissage et la situation d’évaluation sera différente.
Concrètement, si l’objectif d’apprentissage est que les apprenant·e·s retiennent ce que sont les charges salariales, ma présentation peut suffire. Je pourrais l’évaluer en leur demandant d’en donner une définition.
Si l’objectif est une compréhension du calcul des charges salariales, j’ajouterais à ma présentation différentes études de cas. Que je pourrais reprendre comme base d’une évaluation. Il s’agirait alors que les apprenant·e·s expliquent le détail des charges d’une fiche de paie par exemple.
Si l’objectif est que le calcul des charges salariales soit maîtrisé, il me faudra encore ajouter des situations d’apprentissage où les apprenant·e·s testeront ses calculs et pourront recevoir des feedbacks formatifs pour progresser jusqu’à une situation d’évaluation identique.
Dans tous les cas, deux choses sont aidantes.
D’une part se référer à la taxonomie de Bloom et de Krathwol permet de situer à quel niveau d’apprentissage l’on souhaite parvenir.
D’autre part utiliser un verbe d’action permet de se représenter plus vite la situation d’évaluation à imaginer. Si l’on utilise des verbes comme « comprendre », pire « savoir », cela implique des mécanismes cognitifs invisibles au moment de l’évaluation. Mieux vaut viser rapidement un comportement observable.
Dans mon exemple des charges salariales, je pourrais donc utiliser « définir », « expliquer » voire « calculer » comme verbes d’action pour les objectifs d’apprentissage.
Il est bien sûr encore possible (souhaitable !) d’améliorer la formulation des objectifs d’apprentissage en utilisant la règle des 3 C ou le SMART.
Comment éviter à coup sûr la confusion entre intentions pédagogiques et objectifs d’apprentissage ?
Il y a une formule magique que vous pouvez utiliser pour formuler des objectifs d’apprentissage à coup sûr : « à la fin de la formation (ou de la séquence », les apprenant·e·s seront capables de… ».
Si vous utilisez toujours cette formule, vous formulerez des objectifs d’apprentissage, centrés sur les comportements que vous espérez observer chez vos apprenant·e·s.
Le reste relève sans doute de l’intention pédagogique. Autorisez-vous à créer une colonne dans votre conducteur de formation pour la garder à l’esprit si elle vous aide dans votre pratique !