Ce pourrait être un métier ingrat… Être concepteur·rice de supports de formation, c’est souvent travailler en amont des formations, selon un cahier des charges donné par le client, sans jamais voir les apprenant·e·s. Mais il y a un truc imparable pour ne pas se déconnecter de la réalité de la formation ! C’est le test utilisateur·rice·s ! À mes yeux, cela vaut bien un tour de magie ! Je vous décortique ici les trois étapes pour transformer la conception de supports de formation en magie.
Étape une : préparer son matériel aussi bien qu’un jeu de cartes truqué
Parlons de la conception de supports de formation plutôt complexes : une vidéo, un podcast, un module d’e learning. Au début, le cahier des charges est précisé : les contenus de formation à aborder sont délimités, des critères de forme sont choisis. Tout cela est fait en fonction de l’analyse du besoin de formation, que vous y ayez contribué ou pas.
C’est le bon moment pour introduire votre étape deux : l’annoncer, la décrire, la faire valider et recueillir l’aide de votre client·e. Mais gardons encore un peu de suspens avant d’entrer dans ce vif du sujet !
Le·la concepteur·rice travaille ensuite souvent seul·e. Sa créativité est la bienvenue pour donner forme aux contenus de formation. Il faut les organiser de manière pertinente pour que l’apprentissage soit au rendez-vous. Il est nécessaire de penser au degré d’interactivité qui soutient l’attention. Évidemment il faut mettre en scène les activités qui permettent l’apprentissage. Bref il s’agit alors de réaliser concrètement chaque morceau du tout. Un prototype émerge, qui ressemble au produit imaginé initialement, autant que possible.
Étape deux : confronter le matériel à son public
Traditionnellement une fois le prototype réalisé, on entre dans une phase de recettage avec le client. Cela veut dire que le client découvre le prototype et en valide chaque élément ou demande des modifications, repère des problèmes qui devront être corrigés. Pourtant si vous souhaitez produire des étincelles, c’est le moment ou jamais !
Si la phase de cadrage a été bien menée, votre client·e vous a confié des coordonnées d’utilisateur·rice·s cibles. Vous les avez contacté·e·s et leur avez donné rendez-vous.
Vous entrez donc en phase de test utilisateur·rice·s ! Oui oui, exactement comme en design.
Concrètement, de quoi s’agit-il ?
Comment animer un test utilisateur·rice·s ?
Vous animez un temps de découverte de votre prototype de support de formation, au plus près des situations qui seront celles de la formation effective. Si les apprenant·e·s seront invité·e·s à suivre le module d’e learning en distanciel asynchrone, mieux vaut réaliser votre test en visio. L’apprenant·e est ainsi là où il·elle le souhaite, comme ce sera le cas pour le module d’e learning lorsque la formation sera effective. Si au contraire le support de formation sera exploité au centre de formation, veillez à organiser votre test dans ses locaux.
Vous expliquez la démarche générale. Vous demandez à la personne de commenter tout ce qu’elle se dit au fur et à mesure de sa découverte du support de formation : ses intentions, ce à quoi cela la fait penser, ses impatiences ou critiques, ses découvertes, prises de conscience, etc. Puis vous laissez l’apprenant·e fonctionner avec le support de formation comme bon lui semble.
Ce n’est pas facile de se mettre à verbaliser tout ce qui nous passe par la tête. Au début vous aurez sûrement besoin de relancer l’apprenant·e. « Qu’est-ce que vous vous dites ? », « Vous avez cliqué là, vous vous êtes dit quoi ? », « Je vois que vous faites des ronds avec votre souris, vous pensez quoi ? », etc. N’utilisez pas le « pourquoi ? » car vous n’avez pas besoin que la personne se justifie mais plutôt qu’elle explicite ses démarches, ses choix, ce qui fait sens pour elle.
Le processus à suivre pour un test utilisateur·rice·s serein
Lorsque l’on réalise ce genre de test pour la première fois, mieux vaut se rassurer ! Voici une check list rapide de tout ce qui peut aider à faire de ce moment une source d’informations exploitables.
un recueil des traces de l’activité
Il vous faut impérativement garder des traces de ce qui se passe en temps réel pour l’apprenant·e. Selon le contexte et toujours avec son accord, vous pouvez le filmer et/ou enregistrer l’écran. Vous pouvez aussi choisir de seulement enregistrer l’audio de l’entretien et prendre des notes en parallèle pour situer ce qui est dit par rapport à ce qui est fait.
un traitement rapide des informations
Tant que votre mémoire est vive, traitez les informations que vous avez collectées. Les moments de confusion, de difficultés, les moments de découvertes, de compréhension sont des indices forts de ce qui fonctionne ou pas dans votre prototype de support. Prenez des notes à chaud de tous ces points saillants.
un traitement systématique de l’information
Plus tard, plus tranquillement, vous notez systématiquement tous les problèmes rencontrés : incompréhension, difficulté à naviguer, questions non résolues, etc. Vous vous appuyez sur l’enregistrement de l’entretien pour ne rien oublier. Bien sûr notez aussi ce qui fonctionne bien : tout ce qui provoque compréhension, découverte, question résolue, joyeuse surprise voire effet wahouh.
Si vous avez la chance de réaliser plusieurs tests, avec plusieurs utilisateur·rice·s cibles, vous pouvez observer des redondances, des problèmes récurrents.
Exploiter les résultats des test utilisateur·rice·s
Il s’agit ensuite de compiler toutes ces informations pour éclairer le processus de recettage avec votre client. Après tout, plus que lui, la cible de tous vos efforts, c’est bien le·la futur·e apprenant·e !
Si un client ne valide pas une interaction en particulier mais que tou·te·s vos utilisateur·rice·s ont appris quelque chose en la jouant, vous avez un argument de poids pour qu’elle soit conservée ! À l’inverse si une animation ennuie vos testeur·se·s, qu’aucun·e ne l’a regardée en entier, vous pouvez suggérer quelle soit supprimée.
Il arrive parfois aussi que chaque utilisateur·rice ait une perception différente d’un même élément du support. C’est logique, nous sommes tou·te·s différent·e·s. Je suis assez facilement fascinée par un tour de cartes, là où d’autres que moi s’ennuient ferme et que d’autres encore jugent cela négativement car ils·elles se sentent manipulé·e·s. Est-ce pour cela qu’il faut bannir à tout jamais les tours de cartes ? Je ne crois pas (en plus ce serait moi qui serais frustrée, donc je ne suis carrément pas d’accord). Et bien, c’est pareil pour votre bouton, là, en bas à droite, au sujet duquel aucun·e de vos utilisateur·rice·s n’a le même avis !
Que faire dans ces cas-là ? Il faut pouvoir choisir et prendre une décision qui aura le moins d’impact négatif sur les processus d’apprentissage de la majorité.
Étape trois : un·e bon·ne magicien·ne ne révèle jamais ses trucs !
Toute la matière récoltée en phase de test enrichi donc votre processus de recettage. Votre client et vous avez dressé la liste des modifications à réaliser pour passer d’un prototype à une version finale.
Vous reprenez donc une phase de conception qui devrait normalement aboutir à la livraison du support de formation. Pour des projets très ambitieux, il est possible de reproduire ce processus, avec un second prototype qui pourra alors être testé à son tour. Attention, il faut alors sélectionner de nouveaux testeur·se·s.
Au final, tout ça donne tellement plus de travail ! Est-ce que c’est bien la peine de s’embarrasser d’autant ? (oui, je vous entends râler et douter d’ici !)
Si vous êtes convaincu·e·s que la démarche centrée utilisateur·rice·s a du sens et apporte de la valeur, c’est OUI !
Si vous avez pour but délivrer des supports de formation qui vont produire un effet réel sur l’apprentissage des personnes en formation, c’est OUI.
Certes, personne ne saura au final, que cela vous a pris tant de temps et de soin. Les apprenant·e·s n’en seront pas plus reconnaissant·e·s. Mais ils·elles auront mieux appris. Est-ce que ce n’est pas ça, le sens de votre fonction ?
On se voit après le show, dans les loges ?
Parler de toute cette démarche me rend prolixe ! Elle me tient à cœur et je la pratique dès que possible. Et encore, je vous ai fait grâce de quelques détails ! Je suis tout de même assez fière d’avoir réussi à vous éviter le raccourci « UX » qui signifie utilisateur·rice·s du côté design de la force.
Si vous souhaitez échanger à ce sujet, je suis bien sûr disponible. À bientôt !
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